L’argument de la peur est une ritournelle connue. Pour le gouvernement, le système de retraites ne serait pas suffisamment robuste et en l’absence d’une
réforme immédiate, les Français seraient exposés à une réforme plus brutale encore.
La vérité est heureusement moins alarmante. Les déficits anticipés par le Conseil d’orientation des retraites et qui motivent la réforme ne sont que la
conséquence des politiques de l’actuel gouvernement. Il refuse notamment de compenser les exonérations de cotisations, ce qui est une première depuis Simone
Veil !
Pour ces raisons, nous refusons tout financement qui reposerait sur un nouvel allongement de la durée de cotisation et toute mesure d’économie sur le dos des
retraités :
- Pas d’âge pivot, ni de mesures d’âge, ni maintenant ni plus tard. Nous refusons d‘avoir à choisir entre travailler plus ou gagner moins.
- Maintien du départ à 60 ans pour les carrières longues.
- Pas de « règle d’or » qui organiserait un système où les retraites baissent automatiquement, où l’âge d’équilibre reculerait pour équilibrer le système. La règle d'or doit, en revanche, garantir le montant des pensions.
- Sans l’épée de Damoclès du déficit, il est tout à fait possible de prendre le temps d’une remise à plat de notre système de retraite en mettant sur la table toutes les propositions. Notre système de retraite représente une large part de notre pacte social issu du Conseil national de la résistance, il doit faire l’objet d’un consensus minimal. D’autant qu’il a le mérite de bénéficier à tous et de compter le plus faible taux de retraités pauvres de toute l’Europe, là où l’Allemagne et la Suède connaissent, elles, les taux les plus élevés.
- Pour autant, notre système de retraite est perfectible. Il est nécessaire de l’améliorer pour répondre aux mutations à l’œuvre sur le marché du travail et aux nouvelles inégalités qu’elles engendrent.
- Une autre réforme est possible, fondée sur les principes de justice, de dignité et de prévention.
Une réforme juste sur la base d’un financement équitable
Avec
un nombre croissant de retraités,il faut nécessairement accepter l’idée de consacrer au financement de nos retraites, à terme, plus de 14 % de la
richesse produite. Le gouvernement n’a présenté aucun bouclage financier de sa réforme et personne ne croit à sa jolie fable : donner une part plus grosse à
chacun sans que le gâteau n’augmente.
Il faut trouver de nouvelles sources de financement, nous en indiquons trois :
Le prolongement de la Caisse d’amortissement de la dette sociale. En
2024, les futurs gouvernants disposeront d’une opportunité historique. La dette sociale, le fameux « trou de la Sécu », sera alors
intégralement remboursée. Les 24 milliards qui y sont annuellement consacrés seront rendus disponibles, pour une très large part, pour
financer nos retraites, nos Ehpad et nos hôpitaux. Et cela sans prélèvement obligatoire supplémentaire.
Le maintien de la cotisation à 28,1 % jusqu’à
27 000 € de revenus par mois, en augmentant la part dite « non contributive », c’est-à-dire celle contribuant à la solidarité
nationale.
La contribution des revenus financiers qui
échappent aujourd’hui à toute contribution sur les retraites alors même qu’ils sont tirés du travail. S’ils cotisaient à l’assurance
vieillesse à un taux égal à celui des employeurs du secteur privé, ce seraient 30
milliards de recettes à la clé.
Une réelle prise en compte de la pénibilité
L’égalité, ce n’est pas l’uniformité. Comment traiter à l’identique des populations qui ont une espérance de vie qui diffère de treize
années ? Traiter à l’identique l’ouvrier et le cadre supérieur revient à faire payer la retraite du second par le premier. Nous proposons
d’y remédier :
En permettant aux salariés subissant la charge de travaux usants de partir plus tôt. Nous
voulons réinstaurer les 4 critères de pénibilité supprimés par la loi Pénicaud : le port de charges lourdes, les postures pénibles, les
vibrations mécaniques et le risque chimique. En pratique, cela bénéficiera à l’essentiel des salariés du BTP, à une bonne partie de ceux de
l’industrie, aux caissières et aux manutentionnaires de la logistique et de la distribution.
En assurant une meilleure prévention de la pénibilité. Celle-ci
ne peut pas être uniquement un sujet de réparation ou de compensation, une fois l’âge de la retraite venu. Elle pourrait faire l’objet d’un
mécanisme, en réparation et en prévention, discuté par les partenaires sociaux.
En proposant un financement spécifique de la pénibilité à
travers un mécanisme de bonus/malus. Ce système impliquerait les entreprises à travers une cotisation patronale de base et une
sur-cotisation au niveau de l’entreprise, modulée en fonction de l’exposition aux risques et des efforts de prévention accomplis. Les
partenaires sociaux en arrêteraient les modalités
L’égalité femme-homme à la retraite, commence par l’égalité dans les carrières et les salaires
Afin de réduire la fracture salariale entre les hommes et les femmes, nous proposons de lier
le niveau de cotisations à l’assurance vieillesse des entreprises à des objectifs d’égalité salariale.
La mise en place du congé paternité voté
par le Parlement européen en 2019, mais bloqué par le gouvernement français, permettrait de favoriser l’égalité au sein des couples.
Concernant les majorations de pension lorsque l’on a un enfant, nous
souhaitons faire évoluer le système vers le versement d’une majoration forfaitaire, et non plus proportionnelle, afin d’accroître la
redistributivité. Cette pension sera, sauf cas particuliers, versée aux femmes afin de compenser l’écart de traitement.
La pension de réversion doit être maintenue à 55 ans. Elle
doit continuer de bénéficier aux femmes divorcées - la réforme de l’exécutif ne le permet pas et assigne à résidence les femmes victimes de
violences. La pension de réversion doit bénéficier également aux couples pacsés. Dans un souci de justice et d’égalité encore, les règles
applicables au secteur public et au secteur privé doivent être harmonisées dans le sens d’un maintien du niveau de vie du conjoint
survivant.
Compenser les effets de carrières heurtées
Les femmes sont celles qui ont les carrières les plus « heurtées », interrompues par des périodes de chômage, nivelées par des temps
partiels. Nous proposons deux pistes pour mettre un terme à cette situation :
L'abaissement du nombre des heures travaillées nécessaires à la validation de droits.
Des mesures de bonification pourraient être envisagées pour les mères de famille dès le premier enfant, et il convient également de
travailler à une meilleure prise en compte des naissances multiples.
Des retraites dignes tout au long de sa retraite
Actuellement, 31 % des retraités touchent moins de 1 000 € de pension. Pour y remédier, nous proposons :
- Pour les carrières complètes : un taux de remplacement de 100 % (sous réserve de ne pas de disposer de revenus mobiliers ou immobiliers complémentaires) en allant progressivement vers 75 % à partir de 2,5 fois le SMIC.
- Pour les carrières incomplètes : la réforme du minimum vieillesse, dont le montant sera fixé en regard du minimum contributif. Les recours sur successions doivent être limités pour éviter l’important taux de non-recours à ce dispositif.
- Un mécanisme pour garantir dans le temps une relative parité de pouvoir d'achat entre les actifs et les inactifs pour les plus bas revenus, par exemple jusqu’à 2 ou 2,5 SMIC.
Les polypensionnés ont
la possibilité de liquider leur retraite auprès du dernier régime d’affiliation, c’est-à-dire de cumuler les droits acquis dans deux ou
trois des régimes de base dit « alignés » et percevoir une seule pension consolidée. Ouvrons une concertation pour poursuivre l’alignement
progressif de l’ensemble des régimes de base, notamment pour ce qui concerne les professions libérales et les auto-entrepreneurs, pour
aller vers une liquidation unique de tous les régimes et donc faciliter les mobilités professionnelles. Cette transition, négociée par les
partenaires sociaux, pourrait être financée par les différents fonds de réserve des retraites.
La réforme des retraites ne peut s’envisager sans lien avec celle de l’assurance chômage. En
rendant plus restrictif l’accès à l’indemnisation, la réforme de l’assurance chômage du mois d’août 2019 menace les futures pensions de
retraite de celles et ceux qui connaissent le chômage. Les chômeurs non indemnisés ne produiront plus de points dans le système envisagé
par le gouvernement. Il est impératif de revenir sur cette réforme qui pénalise toutes celles et tous ceux qui connaissent des carrières
discontinues avec un passage par le chômage.
L’emploi des seniors doit devenir une priorité
La question de l’emploi des seniors doit devenir une priorité. Aujourd’hui, entre
55 et 64 ans, seuls 53 % des Français sont en emploi. Il ne suffit pas de vouloir travailler plus longtemps, encore faut-il s’assurer que cela soit possible. Nous lancerons des états généraux de l’emploi des seniors afin de construire ensemble les solutions du maintien en emploi.
55 et 64 ans, seuls 53 % des Français sont en emploi. Il ne suffit pas de vouloir travailler plus longtemps, encore faut-il s’assurer que cela soit possible. Nous lancerons des états généraux de l’emploi des seniors afin de construire ensemble les solutions du maintien en emploi.
Voilà les propositions que nous mettons en débat. Elles ouvrent une autre voie, celle d’une réforme juste.