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Retrouvez la lettre adressée au Président de la République par le Parti Socialiste le 2 décembre 2018

Dimanche 2 décembre, Olivier FAURE, Premier Secrétaire, Valérie RABAULT, présidente du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, et Patrick KANNER, président du groupe socialiste au Sénat, ont adressé une lettre au Président de la République, Emmanuel Macron :

 

" Monsieur le Président de la République, 

 

Ce samedi, des milliers de Français ont encore crié leur détresse en France, des violences inacceptables ont émaillé les cortèges à Paris et dans quelques départements. Le Parti Socialiste condamne avec la plus grande fermeté les actes de violence.

 

L'ordre doit être rétabli, la paix restaurée dans nos rues. C'est la première urgence. Nous rendons hommage, pour cela, aux forces de police et de gendarmerie, qui sont soumises à rude épreuve. Ce sont des forces républicaines, hier saluées pour leur engagement face au terrorisme, il est indigne de les stigmatiser aujourd'hui quand elles ne répondent qu'aux consignes pour maintenir l'ordre.

 

Cependant, nous ne confondons pas les casseurs irresponsables avec l'immense majorité des Gilets Jaunes qui ont défilé pacifiquement et avec dignité malgré leur colère. Il faut le dire clairement : nous nous trouvons dans une impasse politique qui progressivement se transforme en crise institutionnelle et démocratique. Le climat n'a rien de banal. La crise qui nous frappe a des racines profondes.

 

La demande de justice sociale, parfois désespérée, renforce le climat de défiance que connaît notre pays depuis de trop nombreuses années. Nous pourrions légitimement rappeler que nous avions alerté, contesté les décisions injustes, et rejeter sur le gouvernement l'entière responsabilité de la situation. Mais ne nous voilons pas la face : la responsabilité, face à cette défiance, est collective. Il s'agit d'un défi qui n'est pas lancé uniquement au gouvernement, mais à l'ensemble des corps intermédiaires.

 

Nous ne jouerons pas le jeu de la déresponsabilisation ou de l'instrumentalisation. L'heure n'est plus aux postures et aux petits calculs. Nous ne serons pas de ceux qui joueront à la politique politicienne, qui tenteront de récupérer, de mimer les colères populaires dans l'espoir de récupérer quelques voix.

 

Nous sommes résolument en opposition avec la politique que vous conduisez mais nous ne pouvons nous résoudre à voir notre pays s'enfoncer chaque jour davantage dans la crise.

 

L'urgence est que chacun - gouvernement, parlement et syndicats - prenne ses responsabilités. Il ne s'agit plus de flatter, ou à l'inverse de mépriser ou de jouer le pourrissement, mais de dialoguer. Car seul le dialogue, un dialogue qui doit être le plus large possible, peut nous permettre de surmonter cette crise, et de transformer la colère et la violence en solutions acceptées par le plus grand nombre.

 

C'est pourquoi nous vous appelons à entamer une démarche sincère, ouverte, radicale, de concertation. Concertation avec tous les partis politiques, les syndicats, les associations, les ONG et évidemment avec les représentants du mouvement des Gilets Jaunes. 

 

Le parlement ne peut continuer à délibérer comme si de rien n'était. Cette situation surréaliste achève de discréditer nos institutions. Nous demandons que son ordre du jour soit bouleversé et qu'un débat soit organisé dans nos deux assemblées dans les meilleurs délais. Le gouvernement ne peut se replier sur une majorité déroutée, il doit entendre la représentation nationale. 

 

Au-delà, comme nous le demandons depuis le début du mouvement, nous souhaitons la convocation d'états généraux nationaux qui portent tout à la fois sur le pouvoir d'achat et le financement de la transition énergétique. 

 

Il est d'urgent de rétablir des lieux de médiation démocratique

 

Monsieur le Président, la situation est grave. L'heure n'est plus à la temporisation. Il faut délibérer et agir. Nous sommes prêts dans ce cadre à apporter nos propositions. Nous vous exhortons à ne plus jouer la demande d'ordre contre la demande de justice. Le pays en sortirait fracturé et affaibli durablement. 

 

Nous vous prions de croire, Monsieur le Président, en nos sentiments les plus républicains. 

 

Olivier FAURE

Valérie RABAULT

Patrick KENNER"